La polémique affectant Emmanuel Macron suite à ses propos tenus en Algérie où il a qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » et de « vraie barbarie » est loin d’être une première. Nombreux sont les politiciens français à avoir été affectés à tort ou à raison, suite à des déclarations concernant Alger. Alors que la blessure est encore ouverte entre les deux pays, les différentes déclarations mettent régulièrement l’accent sur le passé colonial de la France, qui reste un sujet particulièrement sensible dans l’esprit des français. Cette opération à haut risque exige une position claire et un choix syntaxique et sémantique de haute précision sur un sujet clivant.
Emmanuel Macron fait un choix très clair en première instance. La terminologie particulièrement forte remet totalement en cause la colonisation, ce qui d’un point de vue sémantique couvre l’invasion initiale, l’occupation, l’exploitation et la mise en tutelle d’un territoire par la France. La formulation est violente, sans appel et sans nuance.
Jacques Chirac, en 2003 à Alger, avait choisi le thème de l’histoire en déclarant : « Certes, les pages de l’Histoire écrites après 1830 resteront celles de la colonisation, de ses ambitions, de ses rêves, de ses rendez-vous manqués, de ses violences et de ses injustices, les pages aussi d’un conflit long, cruel, pour les Algériens comme pour les Français. ». Ce choix permettait justement de ne pas faire d’excuse, mais de parler des douleurs d’un passé commun et révolu. La suite du discours sera axée sur l’avenir. Sa visite fut cependant acclamée, soutenue par la portée historique de l’événement, soit la première visite d’Etat d’un président français dans le pays depuis la fin de la guerre d’Algérie.
Nicolas Sarkozy en 2007 reprend le même schéma, en évoquant « que ceux qui étaient venus s’installer en Algérie étaient de bonne foi. Ils étaient venus pour travailler et pour construire, sans l’intention d’asservir ni d’exploiter personne. Mais le système colonial était injuste par nature et il ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation ». Ce choix sémantique lui permettait d’éviter de parler de la colonisation, mais de système colonial en général et du « vécu ». Cette nuance importante avait entrainé des réactions hostiles. Comme celles du ministre algérien de l’intérieur de l’époque, qui avait déclaré que ce « n’était pas assez quand nous plaçons ces paroles dans leur contexte ».
Il faut dire que les politiques français sont aussi abonnés aux difficultés communicationnelles et sémantiques qui gangrènent la relation entre ces deux pays. Ce fut notamment le cas de François Fillon en août 2016, qui avait déclaré lors d’un meeting à Sablé-sur-Sartre que « la France n’était pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique ». Ici la sémantique est aussi brutale que celle d’Emmanuel Macron, car elle considère la culture française au-dessus de celle de tous les peuples colonisés. Ce qui pourra nuire à ses déplacements officiels dans le cas où il serait élu président. L’héritage colonial semble donc toujours obséder une partie de la politique nationale, au grand dam de nos voisins d’Afrique du Nord.
Mais au-delà de la sémantique, leur erreur est de vouloir alimenter des sujets de politique intérieure, notamment à l’égard de l’identité nationale et de l’immigration (la diaspora algérienne étant conséquente en France), à l’extérieur des frontières, tout en alimentant un discours qui divise à l’intérieur de nos frontières.
Quoi qu’il soit. Qu’ils s’agissent d’erreurs d’appréciations ou de dérapages contrôlés, le personnel politique français semble coutumier des polémiques liées aux relations avec l’Algérie. Une communication plus maitrisée serait donc souhaitable à l’avenir, pour éviter tout nouvel accroc.
N.C