Le lundi 6 mars s’est tenue la première Conférence Nationale pour la sécurité en Outre-Mer animée par le Premier Ministre Bernard Cazeneuve. La certitude que nous soyons les premiers à vous faire parvenir cette information pourrait être suffisante à démontrer le très faible enjeu politique que les pouvoirs publics accordent aux départements et territoires d’outre-mer. Ce constat va de paire avec celui du faible taux de médiatisation de la Ministre des Outre-Mer, Mme Ericka Bareigts, dont le poste est traditionnellement classé à la dernière place du gouvernement au niveau protocolaire. Il en résulte un désintérêt certain pour ce qui constitue pourtant près d’1/5ème du territoire Français et la richesse de la deuxième puissance maritime mondiale.
À l’heure où la France discute l’opportunité de céder à l’Ile Maurice une part de souveraineté sur un ilot de 1Km2 qui représente 280.000 km2 de zone économique exclusive, il nous semble important d’analyser les projets des candidats sur les défis que recouvrent la gestion de ces territoires outre-mer et en quoi cela constitue selon nous une crise froide.
Globalement, les candidats ont tous abordé la question de l’Outre-Mer, avec certes plus ou moins de profondeur, mais un intérêt relatif affiché. Un des enjeux qui fait consensus au sein des six principaux candidats s’axe autour de la sécurité. Une sécurité qui est interprétée évidemment de manière très différente de Hamon et Mélenchon (qui eux se concentrent sur l’aspect environnemental et social) à Le Pen et Dupont-Aignan (pour qui la menace est liée à l’immigration). Les autres axes sont généralement révélateurs de l’orientation idéologique des candidats. On s’aperçoit ainsi que la candidate du Front National s’intéresse principalement à la sécurité des frontières comme des investissements financiers, en n’omettant pas de rappeler son attachement pour le conservatisme et pour la préférence nationale (ici régionale). L’outre-mer rentre dans le cadre du grand projet maritime pour faire fructifier les avantages spatiaux du pays dans ce domaine. Malgré tout, le projet reste vague est assez généraliste, à l’image du programme de Marine Le Pen. A noter le discours dissonant sur le fait de « prendre en compte les particularismes ».
Nicolas Dupont-Aignan est le candidat qui présente le projet le plus exhaustif sur l’outre-mer. Son but est de favoriser le développement et la valorisation des départements et territoires d’outre-mer tant sur le plan culturel que socio-économique. Pour le représentant de Debout la France, il est nécessaire d’investir politiquement, socialement et économiquement dans ces régions pour accroître la grandeur nationale dans une perspective internationale. Le candidat d’En Marche ! s’intéresse principalement à l’économie du pays en y attachant un projet parallèle à celui qu’il escompte pour la métropole. La tendance sociale-libérale de l’ancien pensionnaire de Bercy est aussi clairement identifiable, social sur le plan éducationnel et libéral sur celui des institutions. Conformément à sa prise de position sur l’Algérie, l’auto-détermination a pour lui une perspective d’avenir sur laquelle la France doit en accepter les contraintes.
De même, le conservatisme de François Fillon est indissociable de son programme pour l’Outre-Mer. La souveraineté nationale semble indiscutable, contrairement à l’accord de co-gestion de l’île Tromelin avec l’Ile Maurice fait par son gouvernement en 2010. Plus surprenant, le néo-libéral souhaite renforcer l’Etat-Providence dans ces régions. Sur le reste du projet, celui-ci paraît cependant plus décousu, diffus et peu clair. Les mesures manquent parfois de « spécificité régionale » en fonction des territoires. De même, certaines expressions, comme « faire une tourisme une priorité outre-mer » restent à définir.
Pour M. Hamon, l’enjeu des Outre-Mer semble le moins évident des cinq candidats. Son site n’y fait aucune référence concrète. Là aussi, le programme est en accord avec l’orientation politique du candidat : transition écologique et numérique et éducation sont deux éléments que l’ancien frondeur se fait fort d’appliquer. Paradoxalement, l’auto- détermination n’est pas clairement assumée. On peut donc supposer que l’ancien Ministre de l’Education poursuivra la politique de son prédécesseur. Tout comme le candidat du PS, Jean-Luc Mélenchon ne semble pas faire des outre-mer une priorité nationale : les quelques mesures sont éparpillées dans le programme mis à disposition au public. Son programme alliant l’enjeu environnemental à celui de l’éducation pour tous ainsi que l’élargissement des institutions publiques.
L’ensemble de ces programmes révèle un cruel manque d’intérêt ou d’expertise sur les enjeux de ces régions, tout en confirmant les orientations politiques de chacun. Il est donc à déplorer un manque de spécificité régionale à leur égard, hérité d’un passé colonial décidemment difficile à s’émanciper. Ainsi, tout comme la Nouvelle- Calédonie, qui pourrait d’ici quelques mois s’émanciper de l’ingérence de la France, la crise froide des outre-mer peut finir par dissoudre le patrimoine extra-métropolitain français.
F.D.