Silences, éditorial de Natalie Maroun

« L’influence la plus déterminante que les médias exercent sur la politique ne procède pas de ce qui est publié, mais de ce qui ne l’est pas. » Manuel Castells – World Political Forum, San Servolo, Italie, juin 2006.

Si cette campagne présidentielle 2017 interpelle par le haletant feuilleton des affaires, si les programmes des candidats à la fonction suprême sont masqués par le bruit médiatique, il n’en demeure pas moins qu’elle convoque des silences, ou des murmures à peine audibles. « Le silence lui-même a quelque chose à taire » écrivait Vladimir Holan, nous mettant en garde sur les raisons de certains silences, destinés à dissimuler l’absence de projets clairs sur un sujet ou d’éviter un domaine peu porteur pour l’électorat.

Pourtant les crises silencieuses dans cette campagne sont pléthores. Et si nous nous sommes penchés dans les deux premiers numéros sur deux crises oubliées de la présidentielle, à savoir, le nucléaire et les crises sociales, ce troisième numéro, plutôt que d’évoquer les discours et turpitudes des uns et des autres, se destine exclusivement à traiter de crises silencieuses ou des silences sur les crises.

Silences, d’abord sur la crise des migrants, pourtant dans tous les esprits, notamment lorsque cette crise majeure est balayée du revers d’un élément de langage invitant les civils à se battre chez eux, comme si elle ne concernait pas des nourrissons, des enfants ou des personnes désarmées pour qui une solution devra s’imposer.

Silences sur le handicap, déconsidéré par l’ensemble d’une classe politique tout autant qu’il ne l’est par les médias lors des jeux paralympiques.

Silences encore, des médias cette fois, sur une université en crise qui devra attendre un marronnier pour devenir un sujet digne d’intérêt.

Silences, aussi, à peine masqués par les traditionnelles visites des candidats sur les enjeux colossaux des outre-mer, aimés lors des campagnes présidentielles avant d’être relégués au confins protocolaires et médiatiques.

Silences, enfin, sur la culture, déconsidérée et blasphémée dans ce qu’elle avait de sacré, par des candidats qui se revendiquent du Général de Gaulle et oublient Malraux, comme si elle n’avait aucun poids dans la grandeur de la France, comme si dans l’Histoire le désaveu de la culture n’était pas le signal faible annonciateur de la victoire des extrêmes.

Natalie Maroun