Colères, éditorial de Didier Heiderich

Et si nous convoquions Machiavel pour nous instruire sur la colère ? « De toutes les passions de l’âme, il n’en est aucune d’aussi horrible que la colère. L’amour, en effet, ne nous force point à aimer tous les hommes, ni l’envie à les haïr, et la crainte ne nous fait pas trembler devant tout le monde; mais la colère ne fait attention à rien; au contraire elle est toujours prompte à offenser. » écrit-il. Nous voilà alertés. Et la colère gronde en France, n’en doutons pas, prête à surgir et à tout balayer sur son passage.

Elle tonne dans les banlieues meurtries, stigmatisées, condamnées, qui font face à l’outrage fait à la justice par les tenants de la tolérance zéro, qui dans une rhétorique savante, exigent une « trêve judiciaire ». La colère gronde lorsqu’à l’indécence des sommes confisquées à la démocratie, l’actualité oppose aux français la réalité d’une jeune mère, agricultrice qui a mis fin à ses jours, dans sa salle de traite, désespérée par ses dettes.

Colère, encore, dans ce qui oppose les français et peut éclater à tout moment, comme ce fut le cas sur les sorties de Macron ou de Fillon concernant la colonisation, sur le régime de Damas ou encore le nucléaire.

Colère, aussi, qui trouve pour refuge les passions tristes nourries par des extrêmes qui opposent les français les uns aux autres, dans un jeu dangereux pour la démocratie, où l’on s’arrange pour faire de nos compatriotes des suspects tout en brandissant haut et fort l’étendard national.

Colère, surtout, mauvaise conseillère, qui « dès qu’elle s’éveille, trouble notre raison, la chasse, nous la ravit, et nous rend semblables à ces insensés qui, après avoir mis le feu à leur propre maison, sont eux-mêmes la proie des flammes » ajoute Machiavel. Et la colère est là, bruyante ou silencieuse, prête à jeter au bûcher toutes les ambitions, personnelles et même républicaines de cette présidentielle insensée.

Didier Heiderich