« Nuls ! », éditorial de Natalie Maroun

« La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout » (Coluche)

En lançant l’Observatoire en Campagne, nous avions l’ambition de recenser et d’analyser les crises et leurs évolutions dans la société française dans un contexte pré-électoral. Quel ne fut pas notre étonnement de constater à quel point le mot crise avait perdu de son sens. Fréquemment synonyme d’affaires, de rumeurs, son usage est resté discret dès lors qu’on s’approchait de sujets sociétaux ou des bouleversements politiques. A la veille des élections qui permettront aux Français de choisir celui qui incarnera la France pour les cinq prochaines années, le pays n’a jamais été autant absent des enjeux mondiaux. C’est à croire qu’il suffirait de magouilles, de « dérapages », de rumeurs pour nous faire oublier notre vocation sur la scène internationale, et la mission de la République auprès de ses enfants. La troisième puissance nucléaire mondiale peut-elle se complaire dans la trivialité politicienne ?

A l’heure où les conflits armés touchent impunément des populations civiles, souvent fragilisées par la famine, des candidats font le marketing de la misère et certains en appellent au refus de l’Autre.

La seule possibilité d’un duel Le Pen-Mélenchon alors absolument impensable il y a seulement cinq ans est le résultat d’un terreau longuement mûri aux idées extrêmes, qui ont permis l’inscription dans le débat public de termes clivants comme civilisation, quelle qu’en soit son interprétation. Il n’est donc guère étonnant que 67% des Français en arrivent à dire que « la campagne leur fait d’abord ressentir de la déception, du dégoût ou de la colère [1] ».

Que reste-t-il des campagnes des premières élections présidentielles de la Vème République, jadis axées sur les programmes et les visions de l’avenir national ? Il ne reste de l’idéologie que des prises de position quotidiennes et mouvantes au gré des sondages, ces pseudo-prophètes. Ainsi, un ensemble hétérogène de plus en plus consensuel de politiques s’enferme dans la référence au Général de Gaulle pour appuyer leurs idées, aussi divergentes soient-elles, ce qui aboutit à un nouveau point Godwin (page 7).

Cette campagne inédite, hors sujet (page 6) est sans doute le symptôme d’une crise institutionnelle profonde (page 3) : les polémiques incessantes en sont la preuve.

Faut-il alors s’étonner dans un contexte d’illégitimité représentative de l’exaspération qui  fait ressortir une tendance qui se cristallise : une classe politique « nulle » qui inspire un vote « nul [2]».

La démocratie est une chose trop grave pour être confiée aux politiciens.

Natalie Maroun

[1] Enquête IPSOS en date de 12 avril

[2] C’est ainsi que nous comprendrons cette estimation de l’IFOP selon laquelle 40% des Français voteraient blanc si ce vote était considéré comme exprimé.

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