Harlem Désir a remis ce jeudi 23 mars le prix « Louise Weiss » récompensant le journalisme européen, sans susciter l’intérêt d’un moindre média.
Créé en 2005 par la section française de l’Association des journalistes européens, ce prix récompense les études de journalistes francophones sur des sujets en rapport direct avec le développement européen. Il prend le nom de Louise Weiss, une suffragette journaliste française, fervente défenseure de la construction européenne et de son Parlement dont elle fut députée.
Ce prix met en valeur deux sujets qui traversent des crises profondes et pérennes : l’Europe et le journalisme écrit. Ainsi explique-t-on l’absence de la moindre médiatisation sur un événement qui est pourtant organisé par le Ministère des Affaires Etrangères et qui possède potentiellement de vraies solutions d’avenir pour les problématiques que traversent les sociétés européennes vues sous le prisme français. Ce qui soulève l’intérêt pour une autre crise, plus générale : la crise de l’information.
C’est précisément sur ces pénuries que subit l’information, et avec lui le journalisme écrit, que nous attacherons une analyse sous le sceau du contexte politico-social actuel.
La presse, comme beaucoup d’autres professions soumises à la clientèle, doit malgré elle attacher une importance aux nombreuses lois du marketing, parfois au détriment de son éthique. Sa mission principale est d’informer, moyennant finances. De par cette variable contraignante, elle doit se conformer aux exigences de sa clientèle, ce qui explique les orientations idéologiques assumées de certains organes de presse.
Depuis quelques décennies, le format du journalisme s’est densifié. Après la presse papier, l’audiovisuel est venu s’implanter dans le paysage sociétal, précédant la révolution numérique et l’atomisation de l’information. La concurrence des réseaux sociaux est apparue comme insurmontable pour la presse papier si elle ne s’y adaptait pas à temps. De nombreux journaux historiques ont dû rendre la plume, le dernier en date étant France-Soir.
Cette adaptation se conjugue aussi avec une information filtrée selon des potentiels d’intérêt populaire identifiés par des experts en communication et autres psychosociologues, additionnée à un espace dédié à la publicité de plus en plus important, qui déteint de facto sur la presse écrite. En outre, la place du récréatif (divertissement, people, rumeurs) prend une part qui ne cesse de croître.
Aussi cet aspect « récréatif » vient s’immiscer dans le débat politique. Si l’on a précédemment déploré le consentement de candidats à se soumettre au dictat des émissions de divertissement, les médias jouent sur l’aspect spectaculaire de joutes verbales, facteur d’audimat. En 2012 France 2 avait ainsi trahi ses promesses en invitant Jean-Luc Mélenchon pour débattre avec Marine Le Pen dans son émission politique, cette dernière ayant en amont indiqué qu’elle refuserait cette confrontation. Pour la campagne de 2017, la même chaîne a sollicité des rencontres disruptives sans réel intérêt autre que celui du buzz potentiel : Jerôme Kerviel avec Alain Juppé, Patrick Buisson avec Marine Le Pen, Christine Angot avec François Fillon.
Le journalisme a indéniablement changé en un siècle : sa diffusion, son contenu, son traitement. Cette évolution impose des adaptations contextuelles permanentes. Certaines adaptations sont toutefois plus problématiques. Si la presse écrite constituait près de 100% du journalisme du début du dernier siècle, sa part est en 2012 de 67,2%. Elle perd en moyenne 2% tous les 5 ans depuis les années 1950. Parallèlement à cela, le nombre de prétendants à la presse écrite est en constante croissance au sein des écoles de journalisme : de plus en plus de candidats pour de moins en moins de places et les exemples de plans sociaux sont nombreux, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis.
A l’heure où trois des cinq principaux prétendants à l’Elysée se montrent particulièrement virulents à l’égard des journalistes, il nous appartient de nous demander si la crise de l’information ne représente pas un danger pour une société démocratique dont la pédagogie est capitale afin de rendre compte des enjeux économiques et sociaux que représentent certains sujets.
F.D / N.C